Fabricants d'aliments Nourrir la relance de l'élevage
La perte du leadership européen de la France en alimentation animale, au profit de l'Allemagne, souligne la dégradation de la compétitivité de nos productions dans ce domaine. La nutrition animale veut pourtant contribuer à la relance.
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Eclatant début juin, l'affaire Doux a fait découvrir au grand public les mécanismes des dernières aides européennes à l'exportation. Les chaînes d'informations nationales se sont surtout concentrées, du côté des enjeux industriels, sur l'exportation des poulets. La question des importations, pourtant cruciale pour l'élevage national, n'a guère été soulignée, alors qu'un poulet sur quatre consommés en France est désormais importé. Toute la chaîne de la production est naturellement touchée par ce fait nouveau. « Que notre industrie se préoccupe de l'avenir de ses clients, qu'elle se désespère de voir des pans entiers de l'élevage, comme la production porcine, entrer en léthargie est naturel, tant l'élevage et l'industrie de la nutrition des animaux sont des maillons interdépendants », lançait d'ailleurs Alain Guillaume, président du Snia, lors de la dernière assemblée générale du syndicat, le 25 mai. Critère imparable : la France a perdu le leadership européen de la production d'aliments composés qu'elle détenait depuis... 1992 !
L'Allemagne confirme son leadership
A l'issue d'un processus continu de reconquête depuis la réunification, l'Allemagne, qui ne produisait en 2001 « que » 19,4 Mt (contre 23,3 Mt en France), s'est en effet emparée de la première place en 2010, avec 22,01 Mt. Elle a confirmé sa performance l'an passé avec 22,86 Mt. Et l'écart se creuse : la France n'affiche plus que 21,3 Mt en 2011, encore en repli sur 2010. En 1991, le rapport était cependant déjà en faveur des fabrications d'outre-Rhin, Est et Ouest confondus, qui atteignaient 20,3 contre 19 Mt en France. La parenthèse de la décapitalisation des cheptels de l'Allemagne de l'Est, après la réunification, est donc désormais bien close.
Au-delà de ces chassés-croisés, les évolutions soulignent surtout la rupture de la tendance en France. Toutes les filières animales, bovin viande, ovin, porc, volaille présentent en effet des signes de fragilité. A partir du milieu de l'année 2010, le cheptel des vaches allaitantes de plus de 24 mois est par exemple en recul, alors qu'il progressait depuis le milieu des années soixante-dix, avant même les quotas laitiers. Dans le secteur ovin viande, le repli des effectifs de brebis a démarré dès 1982. Pour le secteur avicole, c'est en 1998 que tout a basculé après cinquante ans de croissance ininterrompue.
La France au bord de la route ?
La filière poulet grand export est assommée par les accords du Gatt, entrés en vigueur le 1er juillet 1995, qui limitent les exportations avec subventions. La filière dinde doit ensuite faire face à des difficultés techniques (interdiction en mars 2003 du traitement préventif de l'histomonose) et au développement d'une filière dinde en Allemagne, auparavant avide de notre production. Dans le même temps, la France semble rester en dehors des grandes restructurations internationales de l'aval. Ces dix dernières années, de grands groupes industriels, souvent spécialisés autour de deux, voire trois productions (porcs, volailles, bovins), ont émergé aux Etats-Unis et au Brésil.
En Europe, le danois Danish Crown et le néerlandais Vion, tous deux initialement spécialisés dans l'abattage de porcs, acquièrent des outils au-delà de leurs frontières, notamment dans la filière bovine. La filière laitière européenne n'est pas en reste avec la constitution de groupes collectant plus de 5 milliards de litres par an. Avec les 14,5 milliards de litres de Lactalis (15 milliards d'euros de CA, dont 75 % hors de France, 54 000 salariés), c'est d'ailleurs le seul secteur animal dans lequel les Français soient reconnus. Mais le lait travaillé par les usines Lactalis n'est évidemment pas exclusivement français...
Pour relancer les productions animales nationales, seul un travail à tous les niveaux des filières semble pertinent. Premier poste de dépense, mais aussi de profit, l'aliment veut être reconnu comme un réel acteur de cette « reconquête ». En commençant par une réflexion de fond sur son rôle et la négociation de ses caractéristiques dans des cahiers des charges mieux réfléchis, s'appuyant sur des réflexions collectives. Et l'émergence de ses réalités dans le grand public ? Sait-il bien où est produit la viande de ses nuggets ou de ses raviolis ?
DOSSIER RÉALISÉ PAR YANNE BOLOH
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